Éclairage

LES SUCCESSIONS DANS UN CONTEXTE INTERNATIONAL

06/12/2022

Eclairage de Xaviera Favrie, notaire

Au sein d’un monde globalisé, les mobilités sont importantes et il est assez fréquent de constater que des Français, qui résident en métropole et outre-mer, disposent également de biens et d’actifs à l’étranger. Cette situation peut susciter des interrogations légitimes, à commencer par la question du droit applicable. Le point avec Maître Xaviera Favrie, notaire au sein de l’étude KL Conseil.   

1/ Qu’est-ce qu’une succession internationale ? 

Ce terme renvoie à différentes situations. On peut l’employer lorsque la personne décédée avait des actifs à l’étranger ou bien dans l’hypothèse où elle possédait des actifs en France tout en résidant hors de France.  

Il s’applique aussi à la situation dans laquelle la personne concernée a désigné, en vertu du règlement européen sur les successions, la loi d’une de ses nationalités pour l’appliquer à sa succession.    

Enfin, il existe un dernier cas pour lequel il est question de succession internationale. Supposons qu’un citoyen néerlandais, dont tous les actifs sont situés aux Pays-Bas, ait un héritier qui réside en France depuis plus de six ans, sur les dix dernières années précédant le décès. Cet héritier sera taxé au titre des droits de succession français. Cette règle s’applique du seul fait que notre droit fiscal impose, en l’absence de convention tendant à éviter les doubles impositions, l’héritier qui a son domicile fiscal en France depuis plus de six ans au cours des dix dernières années qui précédent le décès.  

 

2/ Lorsqu’une succession comporte un élément d’extranéité, comment savoir quelle règlementation va s’appliquer ?  

Tout d’abord il faut veiller à la date du 17 août 2015, jour d’entrée en application du règlement européen sur les successions, qui concerne les décès intervenus à compter de cette date.  

Nous, notaires européens, devons nous référer à ce règlement pour connaître la loi qui va régir la succession. Ce texte prévoit que, si une personne n’a pas choisi la loi applicable à sa succession, c’est la loi de sa résidence habituelle qui s’appliquera par défaut.  

Dans cette situation, il existe deux cas de figure : 

Si la situation présente uniquement une dimension intra-européenne, l’issue est assez simple puisque ce sont les dispositions du règlement qui s’appliquent.  

En revanche, lorsque le dossier comporte une dimension qui va au-delà des frontières de l’Union européenne, les choses peuvent se complexifier. Il faut alors consulter un correspondant pour déterminer la dévolution des biens concernés, afin d’identifier les héritiers de ces actifs. En effet, en dehors des pays au sein desquels le règlement européen sur les successions s’applique, chaque pays dispose de ses propres règles de droit international privé pour déterminer la ou les lois applicables à la succession du défunt. 

À noter que si une personne vit entre deux pays, le règlement prévoit une clause d’exception qui applique la loi du pays avec lequel le défunt avait les liens les plus étroits. En pratique, je n’ai jamais eu à appliquer une telle clause.  

 

3/ Comment anticiper de telles successions ? Cette anticipation peut-elle avoir lieu dès la rédaction d’un contrat de mariage ?  

Pour anticiper une succession internationale, on peut recourir à la voie testamentaire. Il est également possible d’aménager le régime matrimonial. Toutefois, ce qui est fait en France ne sera pas nécessairement reconnu en dehors de l’Union européenne, ce qui ne facilite pas la situation. En effet, le règlement européen sur les successions ne s’applique pas en dehors des pays de l’Union Européenne dans lesquels il est entré en application. Des anticipations successorales mises en place dans des pays de droit latin peuvent ne pas produire d’effet dans des pays soumis par exemple au droit du Common Law. Des collaborations avec des avocats ou des notaires de l’autre pays sont ainsi indispensables. 

 

4/ Avez-vous observé, dans votre pratique, des « erreurs » qui sont évitables en matière de succession internationale ?  

Tout d’abord, il ne s’agit pas d’une erreur mais d’un constat : bien souvent, les Américains qui viennent passer leur retraite en France ont mis en place des trusts dans leur pays d’origine. Le trust est un outil permettant de simplifier le règlement de la succession. Mais comme ce dispositif n’existe pas en France, ils sont contraints d’accomplir des déclarations fiscales assez lourdes chaque année. Nous ne pouvons que leur conseiller de se renseigner préalablement à leur installation en France.  

Erreur que l’on peut observer en pratique : des clients désignent par testament la loi de leur résidence pour qu’elle s’applique à leur succession alors que seule la désignation de la loi d’une des nationalités est possible, jamais celle de la résidence habituelle. Toutefois, cette erreur est de moins en moins répandue.   

 

5/ L’introduction du trust dans notre droit pourrait donc simplifier un certain nombre de situations ?  

L’édition 2019 du Congrès des notaires de France était justement consacrée au droit international. La profession avait alors émis plusieurs propositions visant à réformer notre système juridique. 

La ratification par la France de la Convention de la Haye sur le trust, afin que ce concept soit reconnu en droit français, figurait parmi les préconisations défendues par le notariat. Pour l’heure, cette proposition n’a pas encore abouti. Ce qui ne simplifie pas la tâche des notaires français…  

6/ Quel regard portez-vous sur le règlement UE n° 650/2012 sur les successions internationales ? Ses effets ont-ils été bénéfiques pour vos clients ? 

Désormais, tout citoyen qui dispose de plusieurs nationalités a la possibilité de choisir la règlementation qui va s’appliquer concernant sa succession. Prenons l’exemple d’un franco-congolais qui vit en France. S’il le souhaite, la loi congolaise pourra venir régir sa succession.   

Ce texte constitue un outil de simplification des successions internationales. Bien sûr, cela ne résout pas tout.