Décryptage en presse

Expatriation aux USA et création de Trust : attention aux impacts fiscaux en France !

23/04/2021

Rédigé par Elisa Ruillier, notaire stagiaire KL Conseil.

Lors d’une expatriation aux Etats-Unis, il peut arriver que des conseillers juridiques et/ou fiscaux américains suggèrent à leurs clients français, notamment ceux possédant un patrimoine en France, la création d’un Trust. Cette institution -très répandue dans les systèmes juridiques anglo-saxons- demeure inconnue du droit civil français.

Classiquement, ces Trusts sont mis en place dans les pays de Common Law pour simplifier le règlement de la succession du Constituant (Settlor) qui a créé le Trust. Le terme de Trust tire son origine de la confiance que la personne qui constitue le Trust, le Settlor, a dans le Trustee à qui elle transfère la propriété d’un bien. Le Trustee est donc chargé de gérer le bien, et de remettre le revenu ou le capital au bénéficiaire, qui peut être le constituant lui-même ou d’autres personnes en cas de décès du Settlor.

Bien que non connu du droit civil français, le Code Général des Impôts (CGI) s’est penché tout particulièrement sur ces Trusts. Et leur création peut engendrer des conséquences non négligeables sur le plan fiscal en France.

Tout d’abord, l’article 1649 AB du CGI fait peser sur l’administrateur du Trust (le Trustee) des obligations déclaratives dès la constitution du Trust. Puis annuellement, dès lors que le constituant du Trust, ou l’un des bénéficiaires, possède son domicile fiscal en France ou lorsqu’un bien ou un droit détenu par le Trust est situé en France. Or, il peut très bien arriver qu’une personne française s’expatriant aux États-Unis établisse un Trust et désigne comme bénéficiaire l’un de ses enfants restés vivre en France. Cette règle souvent méconnue des patriciens peut avoir de lourdes conséquences. En effet, en cas de défaut de déclaration d’un Trust, la sanction prévue à l’article 1736 IV bis du CGI est une amende de 20.000 euros.

L’administration fiscale française s’est également intéressée à la transmission, notamment par décès, de biens détenus au travers d’un Trust. L’article 792-0 bis du CGI définit le Trust comme l’ensemble des relations juridiques créées dans le droit d’un État autre que la France, par une personne qui a la qualité de constituant, par acte entre vifs ou à cause de mort, en vue d’y placer des biens ou des droits, sous le contrôle d’un administrateur, dans l’intérêt d’un ou plusieurs bénéficiaires ou pour la réalisation d'un objectif déterminé. Il prévoit la taxation lors de la transmission des biens placés dans un Trust mais aussi les produits capitalisés de ces biens. Cet article prévoit la réintégration des biens mis en Trust, dans la masse successorale.

Mais les termes du Trust peuvent être extrêmement problématiques au regard de la fiscalité française.

En effet, le Trust, rédigé par des praticiens de Common Law, contient souvent des dispositions pénalisantes du point de vue de la fiscalité successorale en France.

Par exemple, il est fréquent de voir dans un Trust une disposition permettant au Trustee de remettre une quote-part du patrimoine détenu par le Trust aux descendants du Settlor, sans précision, le tout laissé à sa discrétion. Une telle disposition du Trust aura pour conséquence qu’en cas de taxation en France, la quote-part du patrimoine détenue au travers du Trust et remise aux différents descendants, au choix du Trustee, sera taxée à la tranche marginale de taxation de 45 % en lieu et place de l’application d’un barème progressif à chacun des descendants.

La juxtaposition de ce concept de Common Law avec notre système juridique de droit civil peut donc générer des difficultés notamment sur le plan fiscal qu’il ne faut pas ignorer. Lors d’un retour en France après une expatriation dans un pays de Common Law, une des préconisations peut consister en la révocation de ce Trust, si cela s’avère nécessaire et lorsque cela est encore possible, au regard de la nature du Trust créé.